La feuille de route pour la facturation électronique aux États-Unis est prête.
Prochaine étape : les entreprises ?

La feuille de route pour la facturation électronique aux États-Unis est prête. Prochaine étape : les entreprises ?

Quand le nouveau gouvernement américain est arrivé au pouvoir à la fin de l’année passée, l’avis d’une imminente normalisation de la facturation électronique business-to-government (B2G) a soudain disparu du site WhiteHouse.Gov. Est-ce que cela marquait un coup d’arrêt à l’ambition d’un mandat visant ainsi à suivre l’exemple, dès 2018, de plusieurs autres pays en augmentant l’efficacité du processus de facturation ?

Pas vraiment.

EN QUELQUES MOTS

Le potentiel de la facturation électronique dans le secteur commercial américain éclipse l’initiative du gouvernement fédéral B2G 2018… par un facteur d’au moins 110 !

Les États-Unis ont tiré les leçons de PEPPOL dans l’UE et du partenariat public-privé en Australie. (Inutile de songer aux mandats législatifs. Ça ne marchera jamais.)
Une feuille de route pour le déploiement d’un système unique et universel de facturation électronique aux États-Unis est prête.

Le problème ? Les fournisseurs de services et les entreprises ayant adopté le projet de manière précoce vont devoir le porter et se faire entendre.

Un mémorandum en janvier 2017 émis par le Bureau fédéral de la gestion et du budget (OMB) indique que l’initiative continue à suivre le calendrier prévu. Si la mesure s’applique à tout le gouvernement, le contribuable américain pourrait économiser environ 450 millions USD de coûts de traitement par an, selon les estimations initiales du projet.

Cependant, ces économies font pâle figure par rapport aux possibilités de facturation électronique entre les entreprises.

L’organisateur d’un groupe de travail sur la facturation électronique mis en place par la Réserve fédérale américaine estime que les économies potentielles en cas d’application de la facturation électronique business-to-business (B2B) aux États-Unis seraient d’environ 50 à 150 milliards de dollars par an. De plus, cette estimation initiale ne tient pas compte des effets connexes, comme l’impact sur le délai moyen de recouvrement des créances ni la possible amélioration des pratiques commerciales en conséquence, notamment les stratégies de fonds de roulement. En d’autres termes, le potentiel est immense.

U.S. Adoption of Electronic Invoicing: Challenges and Opportunities

« C’est un argumentaire très convaincant », déclare Todd Albers, consultant senior pour les paiements auprès de la banque de la réserve fédérale à Minneapolis. « Ce sont les arguments que j’avance auprès des entreprises quand j’aborde le sujet. »


Appliquer les enseignements tirés des modèles mis en place à l’étranger

Comment un système rationalisé de facturation électronique serait-il conçu puis reçu aux États-Unis ?

 Todd Albers indique que, fort heureusement, les États-Unis peuvent tirer les enseignements des modèles mis en place dans d’autres régions du monde, notamment en Australie et en Europe. Ainsi, le Pan-European Public Procurement Online (PEPPOL) donne un aperçu d’un modèle de développement et des principales caractéristiques d’un futur système de facturation électronique aux États-Unis, avec cependant quelques différences notables.

Todd Albers souligne que PEPPOL n’a pas été créé à partir de rien. Il repose sur des normes et des technologies déjà bien implantées en Europe. La Commission européenne avait déjà les normes SEPA pour les paiements transfrontaliers, basées sur la norme ISO 20022, avec l’UBL comme ossature du réseau et l’Oasis BDXR comme infrastructure de messagerie permettant des échanges sûrs et fiables. Un consortium parrainé par l’UE a alors lancé PEPPOL en 2008. Aujourd’hui, le système fournit aux entreprises (et aux gouvernements) un point d’accès unique pour l’échange électronique de documents de marchés publics.

Pourtant, malgré les mandats de facturation électronique B2G mis en place par plusieurs États membres de l’UE, l’adoption d’une véritable norme de facturation électronique a fortement varié selon les États, avec des tendances encourageantes dans les pays nordiques et une adoption plus lente dans d’autres. Ces difficultés laissent entrevoir le problème, mais aussi une opportunité potentielle aux États-Unis.

Todd Albers est d’avis qu’il serait politiquement peu plausible (au mieux) d’adopter des lois fédérales américaines pour une norme de facturation électronique commerciale ; les acteurs de l’économie de marché devront donc saisir l’opportunité et porter le flambeau.

« Le secteur privé et les fournisseurs de services vont vraiment devoir examiner cette question et dire : “Au fait, c’est une excellente idée”. Nous avons principalement un rôle de catalyseur pour que les Américains s’emparent de la question et poussent à l’adoption d’une norme en ce sens. »

 

Si le système est créé, sera-t-il utilisé ?
L’avenir dira si une approche axée sur le marché pour la normalisation de la facturation électronique aux États-Unis permettra d’obtenir le genre de résultats aptes à donner un sursaut financier au secteur commercial du pays. Cependant, si les entreprises américaines ne parviennent pas à dégager une vue d’ensemble, ce ne sera pas faute d’avoir mis en place un solide plan de déploiement sur trois ans, élaboré par Todd Albers et le groupe de travail sur la facturation électronique.

Voici les principaux éléments de ce plan :

  • 2017 – Établir une ligne de référence sur ce qui se passe sur le marché. Avant la fin du mois, Todd Albers et son équipe achèveront de cataloguer les normes de données électroniques en vigueur aux États-Unis et publieront un rapport basé sur leurs constats. Une partie de ce travail consistera notamment à définir un format universel pour la facturation.
  • 2017 – Formaliser les avantages d’un cadre interopérationnel pour le marché américain. Le groupe prévoit de publier un document dressant un portrait clair des avantages du passage à un système électronique universel, surtout parce que, comme l’indique Todd Albers, les factures électroniques ne couvrent actuellement que 25 % des transactions aux États-Unis. « La possibilité de rationaliser pléthore d’autres factures est bien présente. »
  • 2018 – Développer un cadre pour la facturation électronique omniprésente. C’est le gros du travail. Todd Albers et son équipe créeront des spécifications techniques, telles que la définition d’un modèle sémantique de facturation électronique pour les États-Unis ainsi que les différents composants associés à l’échange de documents (comme un identifiant pour les entreprises et un guide de localisation). « Donc, au lieu d’avoir une connexion point à point comme aujourd’hui, il serait possible d’effectuer une recherche dans un répertoire et se dire simplement “OK, c’est ici que je dois envoyer telle ou telle facture”.
  • 2019/2020 – Mise en œuvre du nouveau système. Le groupe de travail sur la facturation électronique créera un guide complet de déploiement pour les entreprises et les fournisseurs de services. “Les fournisseurs feront partie intégrante du projet”, explique Todd Albers. Il pourrait même les aider à fonder une association professionnelle, en s’inspirant de l’EESPA en Europe.


Dégager l’idée d’un système unique
Si Todd Albers est si optimiste pour ce projet, c’est notamment dû à l’enthousiasme qu’il ressent dans le milieu des affaires quand il teste les idées sur le terrain. Les grandes entreprises sont attentives aux possibilités de rationalisation des processus comme moyen de réduire les frais. Même les petites et moyennes entreprises (PME), jusqu’ici sur la touche quant à l’emploi de technologies comme l’échange de données informatisé (EDI) pour numériser la facturation, commencent à percevoir la vision et la valeur d’un système à point d’accès unique.

“Dès qu’ils comprennent, ils adhèrent au projet”, explique Todd Albers.

Et qui sait ? La facturation électronique ne sera peut-être que la première étape d’un long parcours.

“Ce principe peut s’étendre au-delà des factures”, avance Todd Albers. “Le cadre permet l’échange de tout type de document [commercial].”